petit nombre ; enfin que les auteurs, n’osant employer le mot yala dans les compositions de quelque élégance, surtout depuis que l’empereur l’avait condamné en cessant de s’en servir, étaient fort embarrassés à passer d’un sujet à l’autre.
Le prince répondit en souriant que la partie n’était pas égale, parce qu’il n’avait jamais été en Europe ; mais que, s’il eût fait ce voyage, il serait revenu assez bien instruit des défauts de la langue française pour confondre les missionnaires. Parennin répliqua que le prince n’aurait pas été aussi chargé qu’il le pensait, parce que les Français, loin d’abandonner le langage au caprice du public, avaient formé une académie, dans la seule vue de le réformer et de le perfectionner ; mais ayant été forcé de convenir, sur une autre question qu’on lui fit, que les Français ont emprunté quantité de termes des autres nations, surtout en matière d’arts et de sciences, le prince s’écria que la victoire était à lui : « Pour nous, lui dit-il, nous n’avons emprunté que fort peu de mots des Mongols, et moins des Chinois, et nous les avons dépaysés en leur donnant une terminaison mantchoue. Vous autres, vous vous êtes enrichis des dépouilles de vos voisins. En vérité, vous avez bonne grâce, après cela, de venir chicaner la langue mantchoue sur des bagatelles. »
La dispute dura jusqu’à ce que le prince héréditaire eût reçu la réponse du père Suarez.