Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 10.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il ne rend le salut à personne. Les grands et le peuple le considèrent comme un dieu, et lui rendent les mêmes adorations qu’à Fo même. Leur aveuglement, qui va jusqu’à la folie, les porte à croire qu’il n’ignore rien, et qu’il dispose absolument du pouvoir et des faveurs de Fo. Ils sont persuadés qu’il est déjà rené au moins quatorze fois, et qu’il renaîtra encore lorsque son temps sera fini.

Le dalaï-lama, ou souverain pontife de toutes les régions mongoles, confère à ses lamas divers degrés de pouvoir et de dignité, dont le plus éminent est celui de koutouktou, ou de Fo vivant : un titre si distingué n’est le partage que d’un petit nombre. Le plus célèbre et le plus respecté de tous les koutouktous est celui des Kalkas ; il est regardé comme un oracle infaillible ; il s’est même entièrement dérobé à l’autorité du dalaï-lama ; la sienne est si bien établie, que celui qui paraîtrait douter de sa divinité, ou du moins de son immortalité, serait en horreur à toute la nation. Il est vrai que la cour de la Chine contribua beaucoup à cette apothéose, dans la vue de diviser les Mongols et les Kalkas ; elle conçut que l’exécution de ce dessein serait difficile tant que les deux nations reconnaîtraient un même chef de religion, parce que ce souverain prêtre serait toujours intéressé à les réconcilier dans leurs moindres différens, et qu’au contraire un schisme ecclésiastique ne manquerait pas de leur faire rompre toute sorte de commu-