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La Chine offre une prodigieuse abondance de poissons. Les rivières, les lacs, les étangs et les canaux mêmes en sont remplis. Ils fourmillent jusque dans les fossés qu’on creuse au milieu des campagnes où l’on cultive le riz. Ces fossés sont remplis de frai ou d’œufs de poisson, dont les propriétaires des champs tirent un profit considérable. On voit tous les ans, sur la grande rivière d’Yang-tsé-kiang, à peu de distance de Kieou-king-fou, dans la province de Kiang-si, un nombre prodigieux de barques qui se rassemblent pour acheter de ce frai. Vers le mois de mai, les habitans du pays barrent la rivière en plusieurs endroits, dans l’espace de neuf ou dix lieues, avec des nattes et des claies, qui ne laissent d’ouverture que pour le passage d’une barque. Le frai s’arrête à ces claies ; ils savent le distinguer à l’œil, quoiqu’on n’aperçoive rien dans l’eau. Ils puisent de cette eau mêlée de frai, et en remplissent des vases pour la vendre aux marchands qui la transportent en diverses provinces, avec l’attention de l’agiter de temps en temps. Cette eau se vend par mesure à ceux qui possèdent des étangs. Au bout de quelques jours les poissons commencent à éclore, et dans cet état où ils sont presque imperceptibles, on les nourrit de lentilles de marais, ou de jaunes d’œufs, à peu près comme on élève en Europe les animaux domestiques. Le gros poisson se conserve avec de la glace ; on en remplit de grandes barques, dans lesquelles on