» Cette manière de vivre si misérable fait sans doute horreur à tout homme né et élevé dans la société : cependant ces peuples ne laissent pas d’être toujours gais, exempts de chagrin, et très-contens de leur sort. J’ai connu quelques Samoïèdes qui avaient vu les villes de Moscou et de Pétersbourg, et qui, par conséquent, avaient pu remarquer les avantages et les commodités dont les peuples civilisés jouissent, mais qui n’en paraissaient pas fort touchés. Ils ont constamment préféré leur façon de vivre à tout ce qu’ils avaient vu de plus attrayant et de plus voluptueux au milieu des Russes, tant ils ont d’éloignement pour la servitude, la dépendance, et pour tout ce qui peut interrompre leur repos ou leur penchant déterminé pour la paresse.
» Ils aiment à fumer du tabac et à boire des liqueurs fortes quand ils en trouvent chez l’étranger ; mais ils en quittent l’usage sans la moindre marque de regret. Cette stupide insensibilité leur est si naturelle, qu’aucun objet, quelque nouveau qu’il soit pour eux, ne les frappe que très-légèrement. Il peut bien réveiller leur attention pour un instant, mais à coup sûr il n’excite pas leurs désirs.
» J’ai fait l’expérience de leur apathie : je fis un jour assembler dans une chambre plusieurs Samoïèdes des deux sexes pour les examiner de plus près. Mais, quoique j’eusse laissé sur la table de l’argent, des fruits et des liqueurs fortes, dont je leur avais fait goûter, et tout