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et sur le soir, nous perdîmes la terre de vue ; mais, sur les onze heures, on aperçut que notre bâtiment faisait une si grande quantité d’eau, que ceux qui étaient à fond de cale en avaient jusqu’aux genoux. Quoiqu’on fît agir sans cesse les deux pompes, et que chacun travaillât à puiser de l’eau avec des chaudrons, et tous les vases qui tombaient sous la main, elle ne diminuait point. Notre vaisseau était tellement chargé, que l’eau entrait déjà dans ses sabords ; il n’y avait pas d’autre moyen pour nous sauver, que d’alléger le vaisseau. Nous jetâmes à la mer tout ce qui était sur le pont, ou attaché autour du vaisseau ; mais cela ne produisant aucun effet, nous jetâmes encore environ quatre cents poudes de la cargaison. Enfin l’eau commença à diminuer. On ne pouvait pourtant pas quitter la pompe, car, en quelques minutes, l’eau augmentait de deux pouces.

Nous restâmes dans cette triste situation jusqu’au 14 octobre, ayant sans cesse beaucoup à souffrir du froid et de la neige mêlée de pluie. Enfin nous arrivâmes à l’embouchure du Bolchaia-Reka, et nous y entrâmes ; mais il s’en fallut peu que ce ne fût pour notre malheur. Les matelots ne connaissaient pas l’heure de la marée : soit qu’elle monte, soit qu’elle descende, elle excite, en commençant, même dans le temps le plus calme, une agitation considérable, qui fait que l’on confond les deux mouvemens. Le vent du nord rendait alors les vagues très-hautes : elles étaient si im-