Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/44

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ennemi. Ce jeu continue ainsi jusqu’à ce que l’un des deux demande grâce, ou succombe sous le nombre ou la force des coups. Refuser le duel serait un déshonneur comme parmi nous. Le coupable qui préfère la vie à l’honneur doit dédommager le mari par une compensation en bêtes, en habits, en provisions de bouche. Il y a long-temps que ces sortes de compensations se sont introduites aussi chez les peuples policés.

Les femmes kouriles ont un usage plus cruel que celui de trahir leurs maris : quand elles accouchent de deux enfans, on en fait périr un. Cependant ce peuple est doux et humain ; il respecte les vieillards ; il chérit les liens du sang ; il connaît l’amitié.

« C’est un spectacle touchant, dit Kracheninnikov, que de voir l’entrevue de deux amis qui habitent dans des îles séparées. L’étranger vient sur un canot, et l’hôte qui va le recevoir marche avec cérémonie. Chacun endosse son habit de guerre, prend ses armes, agite son sabre et sa lance. Ils bandent leur arc l’un contre l’autre, comme s’ils allaient combattre, et ils s’approchent en dansant. Quand ils se sont joints, ils s’embrassent avec toutes sortes de caresses, et versent des larmes de joie. » On mène le convive dans une yourte, on le fait asseoir, on se tient debout devant lui pour écouter le récit des aventures de son voyage, les nouvelles de sa famille. Quand il a fini de parler, le plus âgé de l’habitation raconte à son