Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nourriture fortifie les bêtes de charge, mais elle engraisse extrêmement les bœufs et les moutons ; et l’on assure même qu’elle donne à leur chair un excellent goût, qu’il est facile de distinguer.

On a parlé plusieurs fois de l’herbe du Paraguay, comme de la principale richesse des Espagnols et des Indiens qui appartiennent à cette province. C’est du P. Charlevoix, historien de ce pays, qu’il faut emprunter ici des lumières, puisque, ayant tiré les siennes des missionnaires, on ne peut rien supposer de plus exact et de plus fidèle. Tout en est curieux, jusqu’à son prélude. « On prétend, dit-il, que le débit de cette herbe fut si considérable, et devint une si grande source de richesses, que le luxe s’introduisit bientôt parmi les conquérans du pays, qui s’étaient trouvés réduits d’abord au pur nécessaire. Pour soutenir une excessive dépense, dont le goût va toujours- croissant, ils furent obligés d’avoir recours aux habitans assujettis par les armes, ou volontairement soumis, dont on fit des domestiques et bientôt des esclaves. Mais, comme on ne les ménagea point, plusieurs succombèrent sous le poids d’un travail auquel ils n’étaient point accoutumés, et plus encore sous celui des mauvais traitemens dont on punissait l’épuisement de leurs forces plutôt que leur paresse : d’autres prirent la fuite, et devinrent les plus irréconciliables ennemis des Espagnols. Ceux-ci retombèrent dans leur première indigence, et n’en devinrent pas