Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/93

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Crantz, poursuivant l’histoire des conquêtes apostoliques de ses frères, nous a menés à l’année 1753. Au mois de janvier, dit-il, on vit arriver à la mission un sauvage avec toute sa famille. L’aspect de ces voyageurs avait quelque chose d’effrayant. Ils étaient, pour ainsi dire, cuirassés de glace par le brouillard gelé qu’ils avaient traversé au milieu de la mer. On eût dit une cotte de mailles de l’acier le plus affiné. Ce sauvage s’appelait Kainek. C’était un grand du pays, c’est-à-dire, un homme issu d’un père, d’un grand-père et d’un bisaïeul renommés dans la pêche des phoques. Les missionnaires l’avaient connu en 1739, et leur doctrine avait touché son cœur. Le nom de ses aïeux et l’éclat de son rang s’opposaient à sa conversion ; il craignait, disent les frères, la dérision que l’on doit affronter à la suite de la croix, chez les Groënlandais comme chez les autres nations. Pour éviter les poursuites de la grâce, il avait fait deux voyages, l’un au sud, l’autre au nord ; mais ses inquiétudes augmentaient à proportion qu’il s’éloignait de la mission. Ce même homme qui avait menacé de brûler la maison des frères pour avoir une femme qui s’était réfugiée chez eux, fut converti par cette femme qu’on lui avait rendue. On les baptisa tous les deux ensemble. Ils allèrent dès ce moment s’établir à Neu-Herrnhut avec toute leur famille, au nombre de vingt personnes, qui reçurent le baptême l’une après l’autre. Cette conversion fit du bruit dans le