Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 22.djvu/268

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magination ne peut rien se représenter de plus triste et de plus sauvage que cette côte.

Le jour même où l’escadre avait découvert l’embouchure du détroit, elle profita d’un beau temps et d’un vent frais pour y entrer ; et quoique sa longueur soit d’environ huit lieues, elle le passa heureusement à la faveur d’une forte marée. C’est là que finit l’Océan atlantique, et que le grand Océan commence. Ainsi les Anglais, ne se représentant plus qu’une mer ouverte entre eux et les riches contrées auxquelles ils aspiraient, se formaient déjà des projets de bonheur fondés sur toutes les richesses du Chili et du Pérou. Quoique l’hiver vint à grands pas, le ciel était fort brillant ; et ce jour leur parut le plus beau dont ils eussent joui depuis leur départ. Telle était leur situation avant la fin de mars. Mais ils n’étaient pas hors du détroit, que toutes leurs espérances faillirent d’être ensevelies avec eux dans les flots.

Avant que les derniers vaisseaux de l’escadre eussent débouqué, ils essuyèrent une tempête si violente, qu’elle leur fit douter si l’entreprise de doubler le cap de Horn n’excédait pas leurs forces. Ils avaient traité de chimères ou d’exagérations les difficultés dont ils avaient vu la peinture dans plusieurs navigateurs qui les avaient précédés ; mais les dangers qu’ils eurent à combattre pendant les trois jours suivans leur parurent au-dessus de tout ce qu’on avait jamais éprouvé. Quelques traits de cette étrange description jetteront ici de la