Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/138

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très-chagrin de ce contre-temps, mais je le fus encore davantage en m’apercevant d’une supercherieque quelques matelots avaient employée avec les insulaires. Ne pouvant pas avoir de clous, ils dérobaient le plomb, et le coupaient en forme de clous. Plusieurs Indiens, qui avaient été payés avec cette mauvaise monnaie, portaient, dans leur simplicité, ces clous de plomb au canonnier, en lui demandant qu’il leur donnât des clous de fer à la place. Il ne pouvait leur accorder leur demande, quelque juste qu’elle fût, parce qu’en rendant le plomb monnaie j’aurais encouragé les matelots à le dérober, et fourni un nouveau moyen de hausser pour nous les prix, et de rendre les provisions plus rares. Il était donc nécessaire à tous égards de décrier absolument la monnaie des clous de plomb, quoique, pour notre honneur, j’eusse été bien aise de ne pas la refuser des Indiens qu’on avait trompés.

» Le 7 j’envoyai un des contre-maîtres, avec trente hommes, à un village peu éloigné du marché, dans l’espérance qu’on pourrait y acheter des provisions au premier prix ; mais ils furent obligés de les payer encore plus cher. Je fus ce jour-là en état de sortir pour la première fois de ma chambre, et le temps étant fort beau, je fis, dans un canot, environ quatre milles le long de la côte. Je trouvai tout le pays très-peuplé, et extrêmement agréable. Je vis aussi plusieurs pirogues ; mais aucune ne s’approcha de mon petit bâtiment. Les Indiens