Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/161

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virent avec surprise tout le rivage couvert d’habitans ; et, doutant s’il était prudent de débarquer au milieu d’un si grand nombre d’insulaires, ils étaient prêts à s’en revenir au vaisseau. Dès que les Indiens s’en aperçurent, la reine s’avança et les invita à descendre. Comme elle devinait les raisons qui pouvaient les arrêter, elle fit retirer ses sujets de l’autre côté de la rivière. Pendant que nos gens allèrent remplir les pièces, elle mit dans le canot quelques cochons et des fruits ; et lorsqu’ils y rentrèrent, elle voulait à toute force revenir avec eux au vaisseau. L’officier cependant, qui avait reçu ordre de n’amener personne, ne voulut pas le lui permettre. Voyant que ses prières étaient inutiles, elle fit lancer en mer une double pirogue conduite par ses Indiens. Quinze ou seize autres pirogues la suivirent, et elles vinrent toutes au vaisseau. La reine monta à bord ; l’agitation où elle était l’empêchait de parler, et sa douleur s’exprima par des larmes. Après qu’elle y eut passé environ une heure, le vent s’éleva ; nous levâmes l’ancre et nous mîmes à la voile. Dès qu’elle s’aperçut qu’elle devait absolument retourner dans sa pirogue, elle nous embrassa de la manière la plus tendre, en versant beaucoup de pleurs ; toute sa suite témoigna également un grand chagrin de nous voir partir. Bientôt après nous eûmes calme tout plat, et j’envoyai les canots en avant pour nous remorquer ; toutes les pirogues des insulaires revinrent alors près de notre bâtiment, et celle