Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin elle aborda avec des cris redoublés de pécherais. Il y avait dedans un homme, une femme et deux enfans. La femme demeura dans la pirogue pour la garder ; l’homme monta seul à bord avec assez de confiance et l’air fort gai. Deux autres pirogues suivirent l’exemple de la première, et les hommes entrèrent dans la frégate avec les enfans ; bientôt ils y furent fort à leur aise. On les fit chanter, danser, entendre des instrumens, et surtout manger ; ce dont ils s’acquittèrent avec grand appétit. Tout leur était bon, pain, viande salée, suif ; ils dévoraient tout ce qu’on leur présentait. Nous eûmes même assez de peine à nous débarrasser de ces hôtes dégoûtans et incommodes, et nous ne pûmes les déterminer à rentrer dans leurs pirogues qu’en y faisant porter à leurs yeux des morceaux de viande salée. Ils ne témoignèrent aucune surprise à la vue des navires ni à celle des objets divers qu’on y offrit à leurs regards ; c’est sans doute que, pour être surpris de l’ouvrage des arts, il en faut avoir quelques idées élémentaires. Ces hommes brutes traitaient les chefs-d’œuvre de l’industrie humaine comme ils traitent les lois de la nature et ses phénomènes. Pendant plusieurs jours que cette bande passa dans le port Galant, nous la revîmes souvent à bord et à terre.

» Ces sauvages sont petits, vilains, maigres et d’une puanteur insupportable. Ils sont presque nus, n’ayant pour vêtement que de mau-