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On était entré dans l’archipel des Moluques. Le 31 août on vit la côte de Céram, et le soir l’île de Bourou, où les Hollandais ont un petit comptoir.

« Ce ne fut pas, dit Bougainville, sans d’excessifs mouvemens de joie que nous découvrîmes, à la pointe du jour, l’entrée du golfe de Cajeli : c’est où les Hollandais ont leur établissement. C’était le terme où devaient finir nos plus grandes misères. Le scorbut avait fait parmi nous de cruels ravages depuis le Port-Praslin ; personne ne pouvait s’en dire exempt, et la moitié de nos équipages était hors d’état de faire aucun travail. Huit jours de plus passés à la mer eussent assurément coûté la vie à un plus grand nombre, et la santé à presque tous. Les vivres qui nous restaient étaient si pouris et d’une odeur si cadavéreuse, que les momens les plus durs de nos tristes journées étaient ceux où la cloche avertissait de prendre ces alimens dégoûtans et malsains. Combien cette situation embellissait encore à nos yeux le charmant aspect des côtes de Bourou ! Dès le milieu de la nuit, une odeur agréable, exhalée des plantes aromatiques dont les îles Moluques sont couvertes, s’était fait sentir plusieurs lieues en mer, et avait semblé l’avant-coureur qui nous annonçait la fin de nos maux. L’aspect d’un bourg assez grand, situé au fond du golfe, celui de vaisseaux à l’ancre, la vue de bestiaux errans dans les prairies qui environnent le bourg, causèrent des transports que j’ai par-