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Il fallut faire route au sud pour trouver les vents d’ouest. On était alors au 6 mars. Le 24, on aperçut les îles de Juan-Fernandès. Ce fut à la vue de ces îles que mourut Naginoui, consumé par le chagrin et les fatigues de la traversée.

Un dernier malheur attendait l’expédition aux côtes du Pérou. Le vaisseau était déjà à l’ancre le 8 avril, devant Chilca , près du Callao, lorsque Surville s’étant embarqué dans l’iole, pour être plus tôt rendu à terre et solliciter lui-même des secours que sa malheureuse situation rendait si pressans, la frêle embarcation sur laquelle son zèle l’avait exposé ne put franchir la barre contre laquelle la mer brisait, et chavira. Surville fut noyé, deux matelots le furent aussi, et un troisième, plus heureux, parvint à gagner la côte à la nage.

Surville fut généralement regretté de ses officiers et de ses matelots. Il serait difficile de rendre le degré de confiance que ses talens et son intrépidité inspiraient au milieu des dangers. Mais sa conduite envers les divers insulaires qui eurent le malheur de se trouver sur la route, ses enlèvemens d’hommes sans défense qui se confiaient à sa bonne foi, ses ruses pour surprendre ceux qui avaient la prudence de se défier de lui, seront toujours une tache pour sa mémoire aux yeux de quiconque a des sentimens de justice ou d’humanité. N’est-ce pas d’ailleurs un tort grave d’inspirer par-là à ces peuples sauvages des idées de haine pour les peuples civilisés ?