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carin, découvrit la chaloupe du Castries et le canot de Marion échoués sous le village de Tacoury, et entourés de sauvages armés de haches, de sabres et de fusils, qu’ils avaient pris dans les deux embarcations, après avoir égorgé les Français. L’officier qui commandait la chaloupe ne s’arrêta pas à reprendre les bateaux et à disperser les sauvages ; il se hâta de porter du secours au poste de l’intérieur. Crozet y avait passé la nuit, faisant faire bonne garde. Dès qu’il fut informé des tristes événemens qui venaient de se passer, il fit cesser tous les travaux, rassembler les outils et les armes, et charger les fusils. Tout ce qui ne put pas être emporté fut enterré ; ensuite on abattit la baraque, et on y mit le feu pour cacher sous les cendres et les décombres le peu d’outils et d’ustensiles que l’on était forcé de laisser.

Crozet partit de ce poste important à la tête de soixante hommes ; il traversa plusieurs troupes de sauvages qui répétaient souvent ces tristes paroles : Tacoury matè Marion (Tacoury a tué Marion). Quoique ces cannibales prissent un plaisir féroce à crier sans cesse que Marion était mort et mangé, ils n’attaquèrent pas les Français, qui brûlaient d’impatience de venger la mort de leur chef. Mais ce n’était pas le moment de songer à la vengeance. Dans la position où l’on se trouvait, la perte d’un seul homme était irréparable. Si l’on en eût perdu plusieurs, les deux vaisseaux n’eussent