Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/105

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regards sur les ponts. C’était une des plus belles femmes de l’île, qui avait résolu de venir avec nous à Ouliétéa, sa patrie. Ses parens, qu’elle avait quittés quelques années auparavant pour s’enfuir avec son amant, vivaient encore, et sa tendresse filiale la portait à les revoir. Elle ne craignait point leur colère ; au contraire, elle s’attendait à en être bien reçue. En effet, ces insulaires pardonnent aisément les fautes de jeunesse. Comme O-tou avait défendu expressément à aucune de ses sujettes de nous suivre, elle s’était cachée à bord durant la dernière visite de ce prince ; mais se voyant alors en pleine mer, elle ne craignit point de se montrer. Le frère d’Oedidi, son domestique et deux autres naturels de Bolabola, nous accompagnèrent aussi. Ils se fiaient à des étrangers qui avaient ramené si fidèlement un de leurs compatriotes, et qui s’efforçaient de leur donner toutes sortes de marques d’amitié : leur compagnie anima notre conversation, et abrégea en quelque sorte notre traversée de Taïti à Houaheiné. La Taïtienne portait l’habit complet d’un de nos officiers, et elle était si charmée de son nouveau vêtement, qu’elle descendit à terre ainsi vêtue, dès qu’on eut abordé. Elle dîna avec les officiers sans le moindre scrupule, et elle rit des préjugés de ses compatriotes avec toute la grâce des femmes du monde. Si son éducation avait été soignée, elle aurait brillé par son esprit, même en Europe, puisque son extrême vivacité, jointe à