Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 26.djvu/146

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des canards en laissait tomber à dessein quelques-uns, mais M. Patten se retournait pour les ramasser : la foule, l’entourant alors de plus près, le menaça de piques dentelées ; il n’y eut que la crainte du fusil qui imposa aux insulaires. Plusieurs femmes, assises près des hommes, s’efforçaient, par mille gestes lascifs et par mille postures immodestes, de détourner son attention ; mais sa situation était trop critique pour se laisser ainsi séduire. Quelques temps après, une pirogue arriva du vaisseau, et M. Patten promit un clou au propriétaire de ce bâtiment, s’il voulait le conduire à bord de la Résolution. Le marché se conclut, et au moment où il entrait sur le canot, les naturels lui arrachèrent son fusil, lui prirent tous ses canards, excepté trois, l’empêchèrent de partir, et même renvoyèrent la pirogue : fort effrayé, il résolut de se rendre une seconde fois au sommet d’un rocher, où il croyait qu’il serait vu plus aisément du vaisseau. L’audace des Indiens s’accroissant à chaque instant, ils le dépouillèrent. Il se laissa tranquillement enlever sa cravate et son mouchoir ; mais, voyant qu’ils saisissaient ses habits avec violence, et qu’ils lui faisaient des gestes très-menaçans, il désespéra de sa vie : il est difficile de se représenter son inquiétude et ses angoisses. Il chercha dans toutes ses poches un couteau ou un autre instrument avec lequel il pût du moins se défendre, ou se venger en mourant. Il n’avait qu’un mauvais étui de cure-dents ; il l’ouvrit,