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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/121

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Les insulaires sont soumis à ce préjugé d’une manière si opiniâtre et si aveugle, qu’un homme qui n’a pas reçu le jour dans les familles privilégiées sera sûrement méprisé et haï, s’il veut s’arroger une sorte d’empire. Les compatriotes d’O-maï n’osèrent pas trop montrer leurs sentimens pour lui tant que nous fûmes parmi eux ; nous jugeâmes toutefois qu’il leur inspirait de la haine et du mépris. S’il eût fait un usage convenable des trésors qu’il rapportait d’Angleterre, cette conduite prudente et les connaissances que lui avaient procurées ses voyages, lui offraient des moyens de former des liaisons très-utiles ; mais on a vu que, semblable aux enfans, il dissipa ses richesses sans s’occuper de ses intérêts. Sa tête se trouvait remplie de projets qui paraissent nobles au premier coup d’œil, et dont la réflexion ne tarde pas à dévoiler la bassesse. Il montra, dès le commencement, le désir de se venger plutôt que celui de devenir un grand personnage. Au reste, la passion de la vengeance est ordinaire aux îles de la Société, et on peut l’excuser sur ce point. Son père possédait des biens considérables à Ouliétéa, lorsque cette ville fut conquise par les guerriers de Bolabola ; il vint, ainsi qu’un grand nombre de proscrits, chercher un asile à Houaheiné, où il mourut, et où il laissa O-maï et d’autres enfans qui furent réduits à la misère et à la dépendance. O-maï était donc pauvre et délaissé lorsque le capitaine Furneau le prit sur son vaisseau pour l’em-