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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/19

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» Le 23 au matin, tandis que les vaisseaux démarraient, je descendis à terre avec O-maï, afin de prendre congé d’Ouaheïadoua. Nous causions avec lui, lorsqu’un de ces enthousiastes fanatiques qu’ils appellent éatouas, parce qu’ils les croient remplis de l’esprit de la divinité, vint se placer devant nous. Ses paroles, sa démarche et son maintien annonçaient un fou ; une quantité considérable de feuilles de bananier enveloppaient ses reins, et composaient tout son vêtement ; il parlait d’une voix basse et si aigre, qu’il était difficile de l’entendre, du moins pour moi. Si j’en crois O-maï, qui disait le comprendre parfaitement, il conseillait au jeune prince de ne pas me suivre à Matavaï, voyage dont j’ignorais qu’il eût le projet, que je ne lui avais jamais proposé. L’éatoua prédit de plus que les vaisseaux n’atteindraient pas Matavaï ce jour-là : les apparences favorisaient sa prédiction, car il n’y avait pas un souffle de vent ; mais il se trompa. Pendant qu’il pérorait, il survint une ondée de pluie très-forte qui obligea tout le monde à chercher un asile : quant à lui, l’orage ne parut point l’affecter ; il continua à brailler autour de nous pendant environ une demi-heure, et il se retira. Personne ne fit attention à ses propos, et les gens du pays se moquèrent beaucoup de ses extravagances. Je demandai à Ouaheïadoua ce que c’était qu’un pareil original, s’il était de la classe des éris ou de celle des teouteous : le chef me répondît qu’il était taata-éno, c’est-à-