Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 29.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire un méchant homme. Malgré la mauvaise opinion qu’on avait de ce prophète, malgré le dédain qu’on lui témoignait, la superstition maîtrise les insulaires au point de les rendre intimement convaincus que les insensés de cette espèce sont possédés de l’esprit de la divinité. O-maï paraissait bien instruit sur cette matière ; il m’assura que durant leurs accès ils ne connaissent personne, pas même leurs intimes amis ; que, s’ils ont des richesses, ils les distribuent au public, à moins qu’on n’ait soin de les leur ôter ; que, lorsqu’ils reprennent leurs sens, ils demandent ce que sont devenues les choses dont ils ont fait des largesses peu de minutes auparavant ; enfin, qu’ils ne semblent pas conserver le moindre souvenir de ce qui s’est passé pendant leur accès.

» Je fus à peine de retour à bord qu’il s’éleva une brise légère de l’est ; nous mîmes à la voile, et nous gouvernâmes sur la baie de Matavaï, où la Résolution mouilla dans la soirée. La Découverte n’y arriva que le lendemain, en sorte que la moitié de la prédiction du fou s’accomplit.

» O-tou, roi de l’île entière de Taïtî, suivi d’une multitude de pirogues remplies de naturels, arriva d’Oparri, lieu de sa résidence, à neuf heures du matin ; et après avoir débarqué sur la pointe de Matavaï, il m’avertit par un exprès qu’il désirait beaucoup de me voir. Je descendis à terre accompagné d’O-maï et de plusieurs de mes officiers. Je m’approchai