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pour le peuple que pour le roi et les seigneurs.

L’application extraordinaire que les Nègres de Juida apportent au commerce et à l’agriculture ne leur ôte pas le goût du plaisir et de l’amusement ; leur principale passion dans ce genre est pour le jeu. Bosman rapporte qu’ils y risquent volontiers tout ce qu’ils possèdent, et qu’après avoir perdu leur argent et leurs marchandises, ils sont capables de jouer leurs femmes, leurs enfans, et de finir par se jouer eux-mêmes.

Desmarchais observe en effet qu’avec autant de passion pour le jeu que les Chinois, ils se dispensent de les imiter sur un seul point : c’est qu’au lieu de se pendre après avoir tout perdu, ils jouent leur propre corps, et sont vendus par celui que la fortune favorise. Ce désordre avait engagé un de leurs rois à défendre tous les jeux de hasard sous peine de l’esclavage.

Ils appréhendent tellement la mort, qu’ils ne peuvent en entendre parler, dans la crainte de hâter son arrivée en prononçant son nom ; c’est un crime capital de la nommer devant le roi et les grands. Bosman, se disposant à partir, dans son premier voyage, demanda au roi, qui lui devait environ cent livres sterling (2400 fr.), de qui il recevrait cette somme à son retour, en cas de mort : tous les assistans parurent extrêmement surpris à cette question ; mais le roi, qui entendait un peu la langue portugaise, considérant que Bosman