cond coup. Notre malheureux commandant, la
dernière fois qu’on l’aperçut distinctement,
était au bord de la mer ; il criait aux canots de
cesser leur feu et d’approcher du rivage, afin
d’embarquer notre petite troupe. S’il est vrai,
comme l’ont pensé quelques-uns de ceux qui
s’y trouvaient présens, que les soldats de marine
et les équipages des canots avaient tiré
sans son ordre, et qu’il voulait prévenir une
nouvelle effusion de sang, il est probable qu’il
fut la victime de son humanité : on observa en
effet que, tant qu’il regarda les naturels en face,
aucun d’eux ne se permit de violences contre
lui ; mais que, s’étant retourné pour donner ses
ordres au canot, il fut poignardé par-derrière,
et tomba le visage dans la mer. Les insulaires
poussèrent des cris de joie lorsqu’ils le virent
tomber ; ils traînèrent tout de suite son corps
sur le rivage ; et, s’enlevant le poignard les uns
les autres, ils s’acharnèrent tous avec une ardeur
féroce à lui porter des coups, lors même
qu’il ne respirait plus.
» Ainsi périt le grand et excellent homme qui nous commandait. Après une vie illustrée par des entreprises si étonnantes et si heureuses, on ne peut pas dire que sa mort fut prématurée : il avait en effet assez vécu pour terminer le grand ouvrage auquel la nature semblait l’avoir destiné ; il fut plutôt enlevé aux jouissances et au repos qui devaient être la récompense de ses immenses travaux que privé d’acquérir de la gloire. Il n’est pas nécessaire et il m’est