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fait le plus de cas : c’est une sorte d’arbuste qui croît ordinairement sur les tombeaux, dans les antres des montagnes, ou dans certains lieux pierreux et sauvages, qui ne sont connus que des insulaires. Ses feuilles sont d’un vert fort pâle. On tire une liqueur de ses rameaux par une incision sur laquelle on applique un vaisseau de bambou qui s’en remplit ; mais, lorsqu’il est plein, on observe soigneusement qu’il n’y puisse entrer d’air. La liqueur s’y épaissit dans l’espace de quelques jours. Aussitôt qu’elle acquiert une certaine consistance, on la coupe en morceaux pour en faire de petites boules, que les Malais et tous les mahométans viennent acheter au poids de l’or. De l’eau dans laquelle ils ont fait dissoudre une de ces boules, après l’avoir fait passer dans deux tamis différens, ils arrosent le tabac qu’ils veulent fumer. Cette teinture lui donne un goût qu’ils trouvent merveilleux. Ils prétendent qu’elle facilite la digestion et qu’elle fortifie l’estomac ; mais son effet le plus certain est de les enivrer ; et le sommeil qu’elle leur procure dans cette ivresse a tant de charme pour eux, qu’ils la préfèrent à tous les autres plaisirs. L’expérience leur apprend néanmoins que l’usage de l’ophion n’est pas sans danger. Il devient si nécessaire à ceux qui en ont fait beaucoup d’usage, que, s’ils le quittent, on les voit bientôt maigrir, tomber dans une affreuse langueur, et mourir de faiblesse et d’abattement : mais il est encore plus dangereux d’en prendre avec excès. L’hom-