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leur sort en revoyant la lumière fut d’être réduits à la qualité de soldats dans les troupes portugaises, et de vivre deux ans à Goa de la paie commune. Ils trouvaient, à la vérité, beaucoup de secours dans les maisons des seigneurs, où l’usage du pays n’est pas d’épargner les vivres ; mais ils furent obligés de suivre leurs corps dans diverses expéditions, jusqu’à Diu et Cambaye, et du côté opposé, jusqu’au cap de Comorin et jusqu’à l’île de Ceylan. Ce fut dans les intervalles de ces courses que Pyrard s’attacha souvent à recueillir ce qu’il observait de plus remarquable dans la capitale des Indes portugaises. Il confesse néanmoins que, s’il lui était resté quelque espérance de revoir jamais sa patrie, il aurait apporté beaucoup plus de soin à ce travail ; mais, depuis le jour de son naufrage, il avait vu si peu d’apparence à son retour, qu’il ne s’était jamais flatté sérieusement d’une si douce idée. D’ailleurs les Portugais sont si jaloux de tout ce qui appartient à leurs établissemens, que, s’ils eussent pu le soupçonner d’y porter un coup d’œil curieux, il devait s’attendre à périr misérablement dans les horreurs d’une éternelle prison. Divers exemples lui servaient de leçon. Il savait qu’ayant pris, vers la côte de Melinde, la chaloupe d’un navire anglais dans laquelle ils avaient trouvé un matelot de cette nation la sonde à la main, ils avaient ôté la vie a ce malheureux par un cruel supplice. Ainsi, loin de chercher à leur faire prendre