Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/171

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même langage. Je le priai de m’en donner une déclaration par écrit. Les circonstances n’offrant rien qui dût m’arrêter, j’attendis le départ du nécoda, qui profitait habilement de l’occasion pour exercer un commerce avantageux dans les deux camps. Son délai, qui dura quarante-six jours, me rendit témoin d’une horrible catastrophe.

» Il y avait déjà plusieurs mois que le siége de Martaban était poussé avec beaucoup de vigueur. Les assiégés s’étaient défendus courageusement ; mais, n’ayant reçu aucun secours, ils se trouvaient si affaiblis par le fer, par la faim et par les maladies, que, de cent trente mille soldats qu’on avait comptés dans la ville, et qui faisaient les principales forces du royaume, il n’en restait que cinq mille. Le roi, ne prenant plus conseil que de son désespoir, fit faire successivement trois propositions à l’ennemi. Il lui offrit d’abord, pour l’engager à lever le siége, trente mille bisses d’argent, qui valaient un million d’or, et soixante mille ducats de tribut annuel. Cette tentative ayant été rejetée, il proposa de sortir de la ville, à la seule condition de se retirer librement dans deux vaisseaux avec sa femme et ses enfans. Le roi de Brama, qui en voulait non-seulement à ses trésors, mais à sa personne, ne parut pas plus sensible à cette offre. Enfin le malheureux Chambaïna proposa, pour sa liberté et celle de sa famille, de lui abandonner sa couronne et le trésor du roi