Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/222

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occupé à donner mes ordres et à presser le travail, quelques-uns de ceux qui restaient vinrent me dire avec beaucoup d’épouvante, « Ah ! capitaine, qu’allons-nous devenir ? la chaloupe et le canot sont à la mer. Si l’on nous quitte, leur dis-je, c’est avec le dessein de ne plus revenir ; » et courant aussitôt sur le pont, je vis effectivement la manœuvre des fugitifs. Les voiles du vaisseau étaient sur le mât, et la grande voile était sur les cargues. Je criai aux matelots : « Efforçons-nous de les joindre, et s’ils refusent de nous recevoir dans leurs chaloupes, nous ferons passer le navire par-dessus eux pour leur apprendre leur devoir. »

» En effet, nous approchâmes d’eux jusqu’à la distance de trois longueurs du vaisseau ; mais ils gagnèrent au vent et s’éloignèrent. Je dis alors à ceux qui étaient avec moi : « Amis, vous voyez qu’il ne nous reste plus d’espérance que dans la miséricorde de Dieu et dans nos propres efforts. Il faut les redoubler, et tâcher d’éteindre le feu. Courez, à la soute aux poudres, et jetez-les à la mer avant que le feu puisse y gagner. » De mon côté, je pris les charpentiers, et je leur ordonnai de faire promptement des trous avec les grandes gouges et les tarières pour faire entrer l’eau dans le navire jusqu’à la hauteur d’une brasse et demie. Mais ces outils ne purent pénétrer les bordages, parce qu’ils étaient garnis de fer.