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satisfaire sa curiosité, à condition que Faria ne descendrait point à terre, comme il y était souvent porté par son courage. L’intérêt du corsaire était aussi vif pour la conservation de Faria que celui de Faria pour celle du corsaire. Ils se croyaient nécessaires l’un à l’autre, l’un pour éviter les mauvais traitemens de l’équipage, qui l’accusait de nous avoir exposés à des dangers insurmontables ; l’autre, pour se conduire dans une entreprise incertaine, où toute sa confiance était dans son guide.

» Nous ne cessions pas d’avancer à voiles et à rames, entre des montagnes fort élevées et des arbres fort épais, souvent étourdis par le bruit d’un si grand nombre de loups, de renards, de sangliers, de cerfs et d’autres animaux, que nous avions peine à nous entendre. Enfin, derrière une pointe qui coupait le cours de l’eau, nous vîmes paraître un jeune garçon qui chassait devant lui six ou sept vaches. On lui fit quelques signes, auxquels il ne fit pas difficulté de s’arrêter. Nous nous approchâmes de la rive en lui montrant une pièce de taffetas vert, par le conseil de Similau, qui connaissait le goût des Gigohos pour cette couleur. On lui demanda par d’autres signes s’il voulait l’acheter. Il entendait aussi peu le chinois que le portugais. Faria lui fit donner quelques aunes de la même pièce et six petits vases de porcelaine, dont il parut si content, que, sans marquer la moindre inquiétude pour ses vaches, il prit aussitôt sa course vers le bois.