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en jour, et le tourment de la faim, nous auraient portés à quelque résolution violente, si notre fureur n’eût été combattue par d’autres craintes. Le corsaire, qui les remarquait dans nos yeux, nous fit débarquer pendant les ténèbres auprès de quelques vieux édifices, qui se nommaient Tanamadel, et nous conseilla de fondre sur une maison qui lui parut éloignée des autres. Nous y trouvâmes beaucoup de riz et de petites fèves, de grands pots pleins de miel, des oies salées, des ognons, des aulx et des cannes à sucre dont nous fîmes une abondante provision : c’était le magasin d’un hôpital voisin, et ce religieux dépôt n’était défendu que par la piété publique. Quelques Chinois nous apprirent dans la suite qu’il était destiné à la subsistance des pèlerins qui visitaient les tombeaux de leurs rois ; mais ce n’est pas à ce titre que nous rendîmes grâces au ciel de nous y avoir conduits.

» Un secours qu’il semblait nous avoir ménagé dans sa bonté, rétablit un peu le calme et l’espoir sur les deux vaisseaux. Nous continuâmes encore d’avancer pendant sept jours. Quelle différence néanmoins entre le terme que Similau nous avait fixé et cette prolongation qui ne finissait pas ! La patience de Faria n’avait pas eu peu de force pour soutenir la nôtre ; mais il commençait lui-même à se défier de tant de longueurs et d’incertitudes. Quoique son courage l’eût disposé à tous les événemens, il confessa publiquement qu’il re-