Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au monde un souverain plus respecté de ses sujets que le roi de Boutan : il en est comme adoré. Lorsqu’il rend la justice ou qu’il donne audience, ceux qui se présentent devant lui ont les mains jointes, élevées sur le front ; et se tenant éloignés du trône, ils se prosternent à terre sans oser lever la tête. C’est dans cette humble posture qu’ils font leurs supplications ; et, pour se retirer, ils marchent à reculons, jusqu’à ce qu’ils soient hors de sa présence. Leurs prêtres enseignent, comme un point de religion, que ce prince est un dieu sur la terre ; cette superstition va si loin, que chaque fois qu’il satisfait au besoin de la nature, on ramasse soigneusement son ordure pour la faire sécher et mettre en poudre ; ensuite on la met dans de petites boîtes qui se vendent dans les marchés, et dont on saupoudre les viandes. Deux marchands du Boutan, qui avaient vendu du musc à l’auteur, montrèrent chacun leur boîte, et quelques pincées de cette poudre, pour laquelle ils avaient beaucoup de vénération.

Les peuples de Boutan sont robustes et de belle taille ; ils ont le visage et le nez un peu plats. Les femmes sont encore plus grandes et plus vigoureuses que les hommes ; mais la plupart ont des goîtres fort incommodes. La guerre est peu connue dans cet état : on n’y craint pas même le grand-mogol, parce que, du côté du midi, la nature a mis de hautes montagnes et des passages fort étroits qui forment une