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ment aimé et respecté en Angleterre, il y serait reçu avec beaucoup de joie : ces excuses ne purent le persuader. Il s’imagina que je prenais sa demande pour une raillerie ; et, jurant par sa tête qu’il me chargerait d’un présent, il me pressa de lui nommer quelque chose qui méritât d’être envoyé si loin. Je me vis forcé de répondre qu’autant que j’étais capable d’en juger, les grands tapis de Perse seraient un présent convenable, parce que le roi mon maître n’en attendait pas d’une grande valeur. Il me dit qu’il en ferait préparer de diverses fabriques et de toutes sortes de grandeurs, et qu’il y joindrait ce qu’il jugerait de plus propre à prouver son estime pour le roi d’Angleterre. On avait apporté devant lui plusieurs pièces de gibier : il me donna la moitié d’un daim, en me disant qu’il l’avait tué de sa propre main, et qu’il destinait l’autre moitié pour ses femmes. En effet, cette autre moitié fut coupée sur-le-champ en plusieurs pièces de quatre livres chacune. Au même instant, son troisième fils et deux femmes vinrent du sérail ; et prenant ces morceaux de viande entre leurs mains, les emportèrent eux-mêmes comme des mendians auxquels on aurait fait une aumône.

» Si des affronts pouvaient être réparés par des paroles, je devais être satisfait de cette audience. Mais je crus devoir continuer de me plaindre, dans la crainte qu’il n’eût fait toutes ces avances que pour mettre mon caractère à l’épreuve. Il parut surpris de me voir revenir