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ses parens. Ce sentiment de la nature est poussé si loin parmi les Chinois, que les lois accordent aux pères une autorité absolue sur leur famille, et jusqu’au pouvoir de vendre leurs enfans aux étrangers, lorsqu’ils ont à se plaindre de leur conduite. Un père qui accuse son fils devant un mandarin de lui avoir manqué de respect n’est point obligé d’en apporter de preuves. Le fils passe nécessairement pour coupable, et l’accusation du père est toujours juste. Au contraire, un fils serait regardé comme un monstre, s’il se plaignait de son père. Il y a même une loi qui défend aux mandarins de recevoir une plainte de cette nature. Cependant elles peuvent être écoutées lorsqu’elles sont signées par le grand-père ; mais s’il se trouve quelque fausseté dans le moindre article, le fils court risque de la vie. « C’est le devoir d’un fils, disent les Chinois, d’obéir et de prendre patience. De qui souffrira-t-il, s’il ne peut rien souffrir de son père ? »

S’il arrivait qu’un fils maltraitât son père, soit par des paroles injurieuses, soit par des coups, ou, ce qui est également rare et horrible, que dans un transport de fureur il devint parricide, l’alarme se répandrait dans toute la province, la punition s’étendrait jusque sur ses parens, et les gouverneurs mêmes courraient risque d’être déposés, parce qu’on supposerait toujours que ce malheureux enfant n’aurait pu parvenir que par degrés à ce comble d’horreur, et que ceux qui devaient veiller sur