Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/113

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—io5— Tes seins, bouquets de sève étalés sur ton torse, Iles de rouge amour sur un grand lac vermeil, Délustrés de leur pulpe et vidés de leur force, Sèchent, eux que mon rut levait à son soleil. Et maintenant, qu'aux jours de juin, pour te distraire, On t'amène, là-bas, dans les jardins t'asseoir, Comme on t'assied dans l'herbe, je crois te voir Tout lentement déjà (enfoncer sous la terre. II A voir si pâle et maigre et proche de la mort. Ta chair, ta grande chair, jadis évocatoire, Et que les roux midis d'été feuillageaient d'or Et grandissaient, mes yeux se refusent à croire Que c'est à ce corps-là, léché, flatté, mordu, Chaque soir, par les dents et l'ardeur d'une bête, Que c'est à ces deux seins pâles que j'ai pendu Mes désirs, mes orgueils et mes ruts de poète. Et néanmoins je l'aime encor, quoique flétri, Ce corps, hori\on rouge ouvert sur ma pensée. Arbre aux rameaux cassés,' soleil endolori, Ce corps de pulpe morte et de chair effacée. Et je le couche en rêve au fond du bateau noir. Qui conduisait jadis, aux temps chanteurs des fées, Vers leurs tombeaux ornés d'ombre, comme un beau soir, — Traînes au fil des eaux et robes dégrafées, — Les défuntes d'amour dont les purs yeux lointains Brillent dans le hallier, les bois et dans les landes, Et dont les longs cheveux d'argents et de satins Comme des clairs de lune ardent dans les légendes. Et comme elles, je veux te conduire à travers Les fleuves et les lacs et les marais de Flandre, Là-bas, vers les terreaux et les paccages verts Et les couchants sablés de leur soleil en cendre,