Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/127

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—ng— Les fous de mon cœur ne savent plus rire. Ce sont des taciturnes aux pensers amers, Et quand à la fin de la promenade la mer — La triomphante mer à leurs regards s'étend, Faisant jaillir de mille lyres Son hymne éclatant, Pas un pli fugace ne bouge Sur ces fronts de vivants trépassés ; Aucun d'eux ne salue hélas! le couchant rouge, L'astre qui disparaît, de tous ses feux baignés, Vers d'autres continents dont l'écho marin Nous répète le los à son lever soudain ! Pas un d'eux n'est touché Par cette splendeur majestueuse, Car chacun la voit à travers l'impérieuse, A travers la cruelle nonchalance De son propre passé. A peine est-ce un instant de mutisme plus dense. Après lequel d'un unanime bond (Comme si cette vie suprême, Comme si cette mer plus belle qu'un poème Augmentait la folie buttant leurs pauvres fronts) Tous s'élancent d'un coup vers l'hospice invincible, Vers les murs opprimant les alentours paisibles. Tous! et pas un, pas un seul Ne s'arrête ni se détourne... Les œillets, les gldieuls Ils les foulent aux pieds lorsque la route tourne, Car la terreur farouche de vivre De tout ce qui croît, de tout ce qui bruit Si tenacement les poursuit, Qu'ils ne savent quel direct chemin suivre Pour retrouver l'hospice aux murs ostensibles. Et les fous de mon cœur ne redeviennent paisibles, Ils ne recouvrent leur calme égarement Que lorsqu'ils se sentent entre les murs jusqu'aux nues De l'hospice clos aux bruits de la rue.