Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/129

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—121— brutale et vierge diseuse de mes pleurs et de mes désirs, seulement rythmée des battements d'ailes du silence. Et j'aime en toi plus que ta mauvaise beauté, la nuit sombre de tes cheveux et les étoiles de tes yeux. II Sèvres, mai... Ce soir en vain les fenêtres éclairées de sa chambre resteront ouvertes jetant étrangement vers les chemins où leur lumière se perd un signal d'appel mystérieux. La chère maison est toute silencieuse, sans doute, enfouie sous les avalanches vertes, et la mignonne que j'aime, adorablement décoiffée par hasard et fraîchement parfumée, se leurre, étendue en son lit, d'un sommeil inquiet et léger; bien sûr, elle écoute tomber les feuilles du jardin et s'émeut, tandis que la veilleuse rouge, dont les rayons de tulle saignent un peu sur les draps de son grand lit, use vainement son mystère secret. Maintenant, la porte a bougé, mais c'est le vent méchant et railleur... Je la vois se levant, m'accourant toute, frileusement joyeuse dans sa folle chemise et me grisant déjà du cher contraste intime de son être et de ses parfums d'avec les fraîches brises du chemin... Non, écoute, il ne viendra pas le méchant; c'était bien tentant pourtant, il a bien hésité à sa fenêtre, car il fait beau et la lune se lève très grande et conseilleuse de folies! Mais je suis trop malade, vois-tu, et je voudrais tant venir! Comme je l'aimerais maintenant cette route blanche de lumière, si je filais vers toi!... Et quand viendra minuit, mon amour, tu seras déçue, n'est-ce pas? et lasse d'espérer, car ce beau ciel t'aura fait croire à ma venue et puis tu me sais si fou, si amoureux, malgré tout, contre tous!... Alors tu iras doucement fermer les volets de bois à ferrures et, en te remettant au lit, ton parfum et les fraîches dentelles de ta chemise te feront sourire de toi et te prendre en pitié; car sûrement tu penseras en ce moment que je n'ai pu m'arracher à quelque fête et tu me verras sous les folles lumières, tout inquiet de mille riens joyeux, tandis que mes yeux et mon cœur sont pleins de langueurs et de regrets... III Longtemps, longtemps, des semaines et des semaines, j'étais resté enfoui en la sombre tristesse de ma chambre. Parfois, alors que le pâle soleil de mai étendait la nostalgie de ses ors blancs, la croisée restait ouverte et une lointaine rumeur de vie et de mouvement venait troubler mon paisible