Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/135

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—127— « le Scribe » de Pierrot lunaire. Quelques mots seulement, quelques faits et documents. Mon wagnérisme? Laissons cela. Sujet usé, si c'en est un. Il est amplement traité, et avec une compétence qui manque aux poètes des Dernières Fêtes — suis-je assez gentil ! je les cite toutes — par M. Edmond Evenepoel en son Wagnérisme hors d Allemagne, un livre que je prends la liberté de vous recommander, bien qu'il ne sorte pas de vos presses. Le wagnérisme, qui, du moins, devança la vogue et la mode, le genre et le chic, est peut-être d'érudition médiocre. Giraud assure que celui de Maurice Kufferath est plus profond. Pense-t-il me l'apprendre? Je l'ai dit moi-même, écrit et signé. Quand Georges Eekhoud en fera autant!... Mais, chose inavouable, ce wagnérisme se complique de gounodisme. Et pourquoi pas? Mon admiration pour Wagner n'exclut guère que ses imitateurs. Elle ne m'oblige à écarter aucune personnalité dissidente, aucune tendance à côté, intéressante à un titre quelconque; mais elle ne m'oblige pas davantage à surfaire un tas de petits pierrots de lettres ou à musique qui ne viennent pas à la semelle du nvûtre de Bayreuth. Mon vaudevillisme ? II paraît que mon humeur acariâtre et vaniteuse l'a fait avorter. En voilà une chance, par exemple! J'en félicite Valabrègue. Ma critique d'art. Ici, souffrez que je vous arrête un instant. Mon ami Pierrot écrit ceci : « ... En littérature et en art, les opinions de M. Charles Tardieu passent d'un air dédai gneux devant les grandes œuvres, pour saluer jusqu'à terre les œuvrettes deLilliput. Ah ! ces Salons, où les petits lécheurs de toiles élégantes et musquées sont préférés aux Rodin et aux Moreau ! » Vraiment, c'est mal tomber... « Il n'est pas de haute vision d'art au bas de laquelle M. Charles Tardieu n'ait déposé une plaisanterie, un de ces mauvais bons mots que les amuseurs de dixième ordre fabriquent à la grosse pour les infirmes et les impuissants. C'est là l'hommage ordinaire que les plaisantins rendent au talent. » Cette appréciation est contraire à la vérité. Sans doute, il m'est arrivé de déposer quelques plaisanteries plus ou moins dédaigneuses « au bas » de certaines visions ou prétentions d'art où je ne voyais qu'œuvrettes et machinettes sans grande portée. Et il est naturel que certains œuvrettistes d'art ou de littérature trouvent mon enthousiasme un peu froid, comparé à l'ardeur de leur Narcissisme. Tel un Jean-Paul Choppart qui serait furieux de n'être pas égalé aux héros de l'Iliade. Mais vienne la forte impulsion, l'initiative hardie et féconde, l'idée neuve et vraiment grande, je vous jure que je m'em balle, gaiement, sans plus d'érudition que de pose, — c'est peut-être une pose de le constater — mais enfin de bon cœur et pour le plaisir. Seulement ces fètes-là sont rares. Et voilà ce que nos gosses ne veulent pas comprendre. Tenez, Madame, puisque Giraud cite Gustave Moreau, veuillez prendre la'peine de lire ces passages d'une étude consacrée à l'artiste original et captivant que mon confrère et ami, Louis de Fourcaud, appelait un jour « le maître sorcier » : Ici un long groin surgit, comme dit Henri Conscience, et M. Tardieu cite un long article de sa composition. Il y a treize ans que j'écrivais cela (1) et je vous ferai remarquer qu'à celte époque, celle de l'Exposition universelle de 1878, où il n'obtint qu'une deuxième médaille, Gustave Moreau, toujours discuté, voire contesté, n'était pas encore membre de l'Institut. Je n'ai donc pas attendu sa consécration officielle pour lui rendre hommage. (1) Dana lArt, 4* année, tome II, pages 288 et 3io, où vous pourrez contrôler et complcter la citation, si le cœur vous en dit.