Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/16

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en tout pays détestables : rien ne serait plus facile, comme nous le montrerons prochainement, que de créer un musée admirable sans égal au monde, si l'on s'inspire pour le former de véritables principes d'art et non de préoccupations d'un ordre bassement politique. Il serait aisé aussi de donner une haute importance à nos théâtres. M. le baron de Haulleville a proposé de créer à Bruxelles un théâtre classique international, où seraient représentés les chefs-d'œuvre de Corneille, de Racine, de Calderon, de Lope de Vega, de Shakespeare et de ses contem porains, de Gœthe, de Schiller, de Grabbe, de Byron, de Shelley, d'Alfieri, de Musset, de Hugo, de Mérimée, de Pouchkine, d'Ibsen, sans oublier nos ancêtres et nos éternels modèles : Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristo phane, ni les maîtres du théâtre asiatique. C'est là un magnifique pro gramme, dont la réalisation est moins difficile qu'on ne le pense. Nous espérons que M. de Haulleville, qui a déjà rendu de grands services à l'art en Belgique, mettra bientôt son projet à exécution : qu'il craigne sinon de voir sa généreuse initiative reprise par d'autres mains. Quant à notre théâtre lyrique, dont les dernières campagnes doivent être sévèrement critiquées, il faut qu'il devienne un Bayreuth de langue fran çaise et qu'il en arrive à donner des représentations modèles des vrais chefs-d'œuvre. Il faut qu'on joue l'opéra durant l'été. Il est hautement désirable dans l'intérêt de l'art que le gouvernement accorde à ce théâtre un subside important, à la condition qu'il supprime toute espèce d'abonne ment, ce qui constituerait une réforme éminemment démocratique et sage ment artistique : le théâtre y trouverait la liberté qui lui manque. Bref, nous avons l'ambition de tenter, dans la mesure de nos forces, de faire de Bruxelles ce que fut à la fin du siècle dernier la petite ville de Weimar, qui devint l'un des grands centres intellectuels de l'Europe. Nos relations avec les puissances sont excellentes. Nos ministres des littératures étrangères donneront de nombreuses traductions d'œuvres russes, anglaises, allemandes, italiennes, portu gaises, etc. A l'œuvre donc et souvenons-nous de notre devise : « Ne crains! » La Jeune Belgique