Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/17

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LE BEAU ROI CHARLES NEUF i Du fond de la nuit fausse et cruelle où tu plonges, Roi sans sceptre, du fond de ce puits de mensonges Que creusèrent pour toi des siècles envieux, Tu montes, ô mon prince aux yeux fiers, aux grands veux Pleins de baisers ardents et de combats farouches! Et, soulevant l'épais manteau des ombres louches, Tu surgis de la mort comme un pâle flambeau. Mes vers, ces lévriers couchés sur ton tombeau. Bondissent d'allégresse et hurlent à la vie. Et tu renais en moi, chère âme inassouvie! Te voilà. Je me couche au pied de ton fauteuil. Dis-moi ton mâle amour et ton sauvage orgueil. Tes langueurs et ton mal, et ta hâte de vivre. Verse à flots sur les fleurs magiques de mon livre Les laves de ton sang tigré d'or et d'a\ur, Et penche longuement le splendide fruit mûr, Penche vers le désir de ma bouche féline Le splendide fruit mûr de ta jeune poitrine Et laisse-moi sucer et savourer ton cœur! II Pour colorer mon rêve et fleurir ma rancœur, O beau roi Charles neuf, penche vers moi ton cœur! Cœur de haine et d'amour, gorgé d'un sang rapide, Pré d'herbe rouge, empli d'agnelles et de loups, Cœur de haine et d'amour, gorgé d'un sang rapide, Cœur de haine et d'amour, gorgé d'un sang jaloux ; Cruel jardin d'enfance, où, parmi les poupées, Les berceaux puérils, les femmes au rouet, Pour le deuil imprévu des mères au rouet, Soudain jaillit du sol un parterre d'épées;