Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/163

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—i55— UN RÊVE (Après la lecture de l'épisode du Dante : Paolo et Francesca.) Comme Hermès autrefois eut recours à ses ailes rapides quand Argus s'assoupissant, trompé, fut endormi; ainsi, sur un roseau delphique, mon esprit indolent avait joué, avait charmé, ravi le dragon du monde privé de ses centaines d'yeux; et le voyant endormi, s'envola — non vers l'Ida aux cieux de neige, ni vers Tempé, où Jupiter un jour souffrit — mais vers le second cercle du triste enfer, où dans les rafales, les tourbillons, et le flot de la pluie et de la grêle, les amants n'ont pas besoin de dire leur douleur. Pâles étaient les lèvres que j'y ai vues, pâles étaient celles que je baisai, et belle la forme avec laquelle je flottai parmi la tempête mélancolique. Ecrit sur l'espace blanc d'une page, à la fin du conte de Chancer : La fleur et la feuille Ce gracieux conte est comme un petit taillis; les lignes parfumées de miel s'entrelacent si fraîches pour retenir le lecteur en un si doux endroit, qu'ici et là il s'arrête, le cœur gonflé; et souvent il sent les gouttes de la rosée et leur fraîcheur subite contre sa face; et suivant la mélodie capricieuse, il peut indiquer par où sautille la linotte aux pattes délicates. O force de la blanche simplicité! force puissante de ce doux conte! moi qui toujours fus assoiffé de gloire, en ce moment je serais heureux d'être couché mollement sur l'herbe, comme ceux dont les sanglots furent entendus seulement des rouges-gorges attristés. Traduction littérale d'OLivIER-GEORGES DESTRÉE