Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/176

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—i68— POÈMES L'ILE HEUREUSE I En vain Eldorado surgit des mers! En vain, Plein des parfums ailés d'un renouveau divin, Un vent mélodieux souffle vers l'île heureuse! Détournant, malgré lui, sa tête langoureuse De ce monde inconnu, suave et parfumé. Il pense aux délaissés, il pense au plus aimé! Et, devant ce pays de rêve, au seuil de l'île Idéale, où l'attend un bonheur si tranquille, S'étonne tristement de n'être pas comblé... « Oh! dit-il, en sondant, d'un regard exilé, L'orient, déjà sombre, où se meurt son sillage, A quel trouble inconnu mène un si long voyage? Pourquoi vous ai-je fuis, vous tous? Et quel destin M'a fait chercher sans vous ce paradis lointain? Quel arrêt m'a banni sur ce rivage extrême? Hélas! j'ai voulu fuir! Nul autre que moi-même Ne m'a fait de l'exil un si cruel destin! Seul mon cœur m'a troublé! Seul un rêve enfantin, Un rêve, et rien de plus, tu le sais, toi, mon frère. Ornait ces horigons d'un mirage éphémère! Je m'exilai... Vous tous, en des adieux sans pleurs, Acclamie\, ce soir-là, mon vaisseau tout en fleurs; Toi seul, de qui mon cœur n'a voulu rien entendre, Tu m'as suivi de loin d'un regard triste et tendre... Oh! ne repousse pas un cœur trop châtié, Et qui, dès à présent, ne veut que ta pitié! On se fait, de l'amour lui-même, une habitude : Hélas! il m'a suffi d'un peu de solitude Pour sentir, à jamais, combien tu m'étais cher! » II « Le soir, triste et trop beau, s'élève sur la mer. Là-bas c'est l'heure... Hélas! comme autrefois, sans doute,