Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/179

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—I7I— En ces instants perdus nous unissait toujours! Aimer était bien doux, mais mêler ses amours! Se consoler d'un rêve était digne d'envie. Mais partager à deux le rêve de sa vie! Mon rêve était le sien, mes vœux étaient ses vœux. Et nous n'avions qu'un cœur, bien que nous fussions deux! II Accords secrets de l'âme! O noces idéales! III Mais la pudeur étrange, et presque virginale, Qui présidait toujours aux entretiens charmants, Prêtait un prix suprême à nos épanchements ! Nous nous mêlions en vain dans toutes nos pensées : Un amour si discret les avait fiancées Que nul lien, vraiment, ne semblait les unir! Je m'en allais... Hélas! loin de m'en retenir, Loin, enfin, d'invoquer, en cet instant suprême, Cette prochaine absence, amère quand on aime, « Alle\, disait l'ami trop tendre, et qu'un beau jour Fête votre arrivée en ce nouveau séjour! Puissie\-vous être heureux, là-bas! Puissent les rêves Dont le lointain éclat dore à vos yeux ces grèves S'écouler, désormais, au gré de vos désirs, Loin de nos troubles vains, en de divins loisirs! » Nul regret n'effrayait tant de sollicitude ! Rien ne devait troubler en son ingratitude Cet oublieux bonheur d'un cœur aimé qui fuit! Aveugle que j'étais! Je le sais aujourd'hui! La bouche disait : va! Le regard disait : reste! Ah! qu'en puis-je? Et pourquoi cette bonté funeste? Détrompant d'un seul mot un désir puéril Il fallait m'arrêter au bord de mon exil. Mais non! Malgré ces yeux dont la douceur m'implore, Fuis, disais-tu . — J'ai fui. Mon cœur en pleure encore... » FERNAND Severin