Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/198

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—i9o— il a quelque chose de plus plein, de plus nourri, de moin anémique et de plus rouge. Ses marines sont d'une belle fluidité d'air et de lumière, parti culièrement l'Adagio et le Larghetto ; on sent chez lui l'observation tou jours en éveil de l'aspect des eaux, dont il saisit les modifications les plus fugaces. Quant à son portrait de M. Félix Fénéon, sur l'émail d'un fond rythmique de mesures et d'angles, de tons et de teintes, nous n'y voyons qu'un essai tenté pour plaire à M. Charles Henry, et un essai décisivement mauvais. Les quelques toiles de M. Luce ne présentent qu'un intérêt secondaire et prouvent que le système néo impressionniste n'est pas incompatible avec la lourdeur. Légers au contraire et printaniers, parés d'une grâce d'avril, deux paysages de M. Lucien Pissarro charment les yeux. Fixé en Angleterre en ce moment, M. Lucien Pissarro s'y adonne à la gravure sur bois, et y fait preuve d'un goût irréprochable, avec une tendance vers le style anglais et ancien. Deux artistes anglais exposent des travaux analogues: M. Selwyn Image, archaïque, byzantin, M. Herbert Home, inventeur plus personnel. L'art proprement décoratif domine d'ailleurs chez les invités de ce salon. Voici miss Mary Cassait, transformée en Japonaise, appliquant avec une dextérité étonnante les procédés, le dessin, les colorations, les conventions de l'art japonais à des scènes familières de la vie occidentale. Voici M. Delaherche avec une série de grès flambés, vases et plats, aux formes bien choisies, aux teintes changeantes fondues l'une en l'autre en des mélanges de saveur rare. Revenons aux peintres. MM. Serret et de Toulouse-Lautrec sont deux spécialistes, M. Serret dessine au crayon de petites scènes de la vie des enfants, gracieuses, un peu vagues dans l'exécution, mais d'une observation attentive et émue. M. de Toulouse-Lautrec, le peintre des filles, qui se répète parfois, demeure cependant intéressant par son dessin net, caracté ristique, et les colorations sobres et harmonieuses dont ses formes cernées s'enveloppent. M. Maurice Denis est pour nous un nouveau venu. Souffrira-t-on que nous hésitions à le saluer maître? Pour accentuer l'expression d'idéalité qu'il recherche, associant ses tableaux à des souvenirs de poèmes, il a recours aux déformations, aux simplifications les plus audacieuses, à un mélange des caractères extérieurs des Japonais et des Primitifs. Certes, il y a une belle langueur calme de teintes fanées dans le Soir trinitaire; mais la significa tion de l'ensemble ne s'impose pas. Dans les autres toiles, nous avons noté les mêmes qualités, moins évidentes, et les mêmes défauts, plus marqués. Après avoir noté les œuvres les plus importantes des invités, faisons de même pour les XX. L'exposition de cette année montre une fois de plus chez MM. Dubois, Van Rysselberghe, Ensor, Khnopff, les remarquables qualités que l'on est accoutumé à louer en ces artistes. M. Dubois a des bustes et des bas-reliefs de bronze du style le plus élégant et le plus distin gué. M. Van Rysselberghe, dans ses portraits, a en même temps que le souci de l'exactitude, l'amour de la couleur fraîche, claire, puissamment joyeuse, composée en harmonies vigoureuses et vibrantes. La physionomie