Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/199

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—loi— chez lui est très vivante, sans être très expressive; la ligne est belle et souple, l'allure grande, le dessin très juste et très étudié. M. Ensor apparaît sous tous ses aspects, très divers, qui font de lui un peintre difficile à classer. Naturaliste, il est en même temps imaginatif et fantaisiste. Tantôt brutal, tantôt raffiné, ici très simple, là très retors ; il embrouille dans un symbolisme vague et parfois peu cohérent des sensa tions, des idées, des rancunes, des plaisanteries grasses, des imaginations folles. Toujours il demeure Un beau peintre : ses natures mortes, son Bap tême des Masques et Un autre petit cadre du même genre en font foi; à la finesse exquise de la couleur s'ajoutent dans ces dernières œuvres, une élé gance charmante de composition, un toUr spirituel dans les attitudes Le grand tableau de masques, l'Intrigue, où l'artiste a, comme dans d'autres de la même série, exprimé le mystérieux, l'hostile et le laid de la vie, nous plaît moins avec ses teintes violentes, ses couleurs d'affiche inapaisées. En un paysage féerique, M. Ensor a voulu transcrire l'impression de la magni fique description d'Edgar Poe, le Domaine a"Arnheim ; mais nous connais sons de lui dans ce genre des choses plus légères, moins opaques, où la matérialité de la couleur n'empêche pas l'effet de surgir. Le Théâtre des Masques, allégorie de la vie, où des masques assistent à une représentation donnée par d'autres masques, a au contraire des trouvailles de nuances rares, d'irisations vaporeuses. Puis ce sont des caricatures enragées, à la manière anglaise. Comme les Bons juges, des drôleries à la Bosch, comme les Musiciens terribles et la Bataille des éperons d'or, et, à côté de cela, des morceaux très équilibrés, comme l'incisif Portrait d'Emile Verhaeren et un portrait de femme lisant, sous une madone italienne en relief, d'un dessin magistral. / lock my doof upon myself, j'ai clos ma porte sur moi-même, tel est le titre, anglais et préraphaélite comme l'œuvre, du principal tableau de M. Khnopff. Et cette tête délicatement douloureuse, aux yeux clairs, au regard fixe d'ange extasié de Burne Jones, exprime bien, dans le silence étrange de cette chambre close où s'éternisent des souvenirs comme des lys figés, la claustration résignée en soi, le reploiement de lame sur elle-même, en une solitude inviolable et volontaire. Des études et des portraits per mettent d'apprécier l'impeccable rigueur du dessin de M. Khnopff, qui nous montre encore, parmi d'autres œuvres de moindre intérêt, un de ses impressionnants petits paysages vides, une pelouse unie, comme lavée, et, dans une eau rêveuse, un reflet d'arbres tristes et de ciel gris. Il ne nous semble pas que MM. Finch, Vande Velde et Dario de Regoyos aient développé leurs qualités, ou même leurs défauts. Mllc Boch a des pages véridiques et lumineuses. L'exposition de M. Lemmen n'attire pas du premier coup, dominée qu'elle est par une certaine Fête foraine, logique ment imitée de Seurat, et pour laquelle nous essayerions en vain de dissi muler nos mauvais sentiments. Mais la première impression vaincue, on doit reconnaître chez ce peintre, en dépit de ses duretés et de ses aigreurs, une patience d'observation obstinée, des scrupules minutieux de conscience. Nous n'avons que des éloges à adresser à MM. Vogels et Minne, deux