Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/200

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—192— artistes aussi différents l'un de l'autre qu'il est possible de l'imaginer, mais qui l'un et l'autre affirment énergiquement leur personnalité. Fidèle à lui- même, M. Vogels, que nous croyons médiocre théoricien, n'a pas essayé de s'assimiler des raisonnements auxquels sa nature serait rebelle, et son exemple tendrait à montrer que la meilleure théorie du monde ne vaut pas un instinct vigoureux. Ses paysages sont d'une rare fraîcheur et d'un mer veilleux éclat. Mettons à part Feuilles mortes, Novembre, aux colorations éblouissantes, un Brouillard fin et très juste, un aspect d'orage et de soleil de la Place de Furnes, un pont de la Seine par une sereine nuit de lune, d'une transparence, d'une légèreté, d'une ampleur étonnantes. M. Minne n'a envoyé qu'un dessin, vraiment intense et poignant. Au bord d'une plaine immense,, couverte d'épines entrelacées, coupée de canaux où se reflète la tenture funéraire d'un ciel larmé d'étoiles illusoires, se penchent, exténuées, deux têtes jumelles, comme de deux christs gothiques, que des épines couronnent d'une royauté de souffrance. Ce n'est pas la personnalité qui frappe chez M. Toorop. A ses riches dons naturels nuisent une certaine inconsistance et une trop grande récep tivité. Les tendances les plus opposées l'ont requis tour à tour ou même à la fois. Cette année-ci, il s'est tourné principalement vers la peinture idéo logique, à préoccupations littéraires. Malheureusement, sa Génération nouvelle, écaillée de vert cru et du rose spécial aux planches d'anatomie, est un rébus très compliqué, et ses Vieux songeurs crédules, où il y a des détails bien venus, très gothiques, ne sont guère moins bizarres. L'Hétaïre au moins n'est pas énigmatique. C'est une femme au visage dur et immo bile d'idole ou de poupée, qui s'avance, vêtue d'une robe couleur de soleil, inconsciente de sa cruauté envers ses proches qui la supplient, loin de la mer pure vers la forêt perverse où de beaux oiseaux descendent fascinés vers la gueule des serpents. Un éclat extraordinaire rehausse ce tableau, qui fait penser à la fois à Monticelli, aux émaux cloisonnés d'Orient; et certaines parties, trop confuses, trop abandonnées au hasard, y détonnent cependant. Plus complètes, d'une belle vérité synthétique, apparaissent d'autres œuvres : Homme et femme du village, le paysan et la paysanne des côtes, avec leur chien et leur cheval, d'un grand caractère; le Cimetière, une page monochrome, très émouvante, de la vie des misérables; la Mariée, une gracieuse procession de paranymphes. Somme toute, malgré ses défectuosités, l'exposition très variée de M. Toorop était l'une des plus attirantes du Salon des XX. II Parmi les nombreuses expositions particulières qui ont eu lieu dans ces derniers temps, mentionnons brièvement celles de MM. Léon Dardenne (au Cercle artistique), Frans Melchers (au Cercle des Arts et de la Presse), Frédéric (au Cercle artistique) et de M,le Marguerite Hollmann (à la Galerie Moderne, avec l'atelier Blanc-Garin). Ce qui domine dans l'exposition de M. Dardenne, c'est la note idyllique et tendre. Après les pizzicati moqueurs et les scherzos endiablés qu'il sou