Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/25

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—I7— Laurent, dont les yeux scrutaient le visage souriant de la petite madone, que ce visage reproduisait peu à peu le masque impassible et trop régulier de sa cousine Régina. Se pouvait-il que pour mieux faire avorter ces dévo tions, le génie de l'usine Dobouziez se fût substitué à la Reine du Ciel ! Justement les pauvres mères, les épouses, les sœurs, les filles, les bambines et les aïeules entonnaient à la suite du vicaire en surplis, dirigeant leur neuvaine, un pressant et lamentable Regina Cœli. Laurent n'en pouvait plus douter : il reconnaissait cette moue avanta geuse, ce regard hautain et moqueur. Il aurait même juré qu'un souffle s'échappait à présent des lèvres de la fausse madone et qu'elle prenait un plaisir mauvais à éteindre elle-même les derniers lumignons! Le collégien fut tenté de se jeter entre l'idole et la foule et de crier à toutes ces misérables femmes, vouées au veuvage et à l'orphelinat : « Arrê tez ! Vous vous abusez cruellement, ô pauvresses, mes sœurs ! Celle que vous invoquez c'est l'autre Reine, l'aussi belle mais la plus impitoyable!... Arrêtez ! c'est Régina, la nymphe du Fossé, la fleur du cloaque ; le Fossé l'enrichit et la fait saine et superbe ; et vous, il vous ejnpoisonne ; et vous, elle vous tue ! » Mais le cantique se fondit subitement dans une explosion de sanglots. Aucun cierge ne brûlait plus. La petite madone se dérobait aux regards conjurateurs de ces humbles femmes. Le dernier cholérique venait d'ex pirer. Georges Eekhoud LES RIDEAUX Sur mes rideaux comme des cieux, Les chimères des broderies Tordent un firmament silencieux. Les chimères des railleries. Elles flagellent de leurs queues La paix plane des laines bleues' Et le sommeil des laines tombantes et lentes Sur les dalles, mais aussi sur mon cœur. 2