Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/263

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—255— sous ce titre : La vie sans lutte, le prouvent suffisamment. Elles sont d'une belle venue, et leur accent est honnête et convaincu. Mais il leur manque ce relief que M. Jullien a su donner à ses études scéniques, où l'analyse est mille fois plus libre et plus saisissante. J'aurais voulu consacrer une partie de cette chronique aux Vergers Illu soires, de M. André Fontainas, à Sérénité, de M. Donnay, et aux Evoca tions, de M. Eugène Landoy. Force m'est de renvoyer ces poètes à tren taine. Il me reste à peine l'espace nécessaire pour signaler la publication, chez Muquardt et Falk, du remarquable livre de M. le comte Goblet d'Al- viella : L'Idée de Dieu. Je ne suis pas comme feu Buloz et je ne trouve pas que Dieu manque d'actualité. Mais je fais de la critique littéraire et non de la critique historique et philosophique. L'œuvre de M. le comte Goblet, que j'ai lue avec le plus vif intérêt, échappe donc à ma compétence et à celle de la Jeune Belgique, qui ne pourrait aborder de tels sujets sans déchaîner tous ses philosophes. J'aime mieux qu'ils restent enchaînés. ALBERT GlRAUD Pelléas et Mélisande, par Maurice Maeterlinck, i vol. chez Lacomblcz, à Bruxelles. Le nouveau drame de M. Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, semble en revenir à la première manière de l'auteur. Les trois pièces qui ont précédé ce drame se rattachent l'une à l'autre par un lien commun. Elles constituent une tentative artistique du plus haut intérêt et d'une singulière valeur. On peut dire d'elles qu'elles ont intronisé dans l'art une formule nouvelle. Avant elles il semble en effet que le tableau parlant n'ait été qu'un jeu de société sans autre valeur artistique que le charme ingénu de la spontanéité et de l'improvisation. M. Maoterlinck a triomphalement prouvé que ce genre de pièces, malgré ses apparences inférieures, peut être élevé à la hauteur des plus belles compositions tragiques. De ces trois pièces, L'Intruse, Les Aveugles, Les Sept Princesses, la première est, à notre senti ment, la moins parfaite. Ellle laisse à désirer sous le rapport de l'unité de composition. On y voit, dans un milieu réaliste, se mouvoir des person nages conventionnels, - les trois jeunes filles qui parlent et agissent à l'unisson, comme les personnages du chœur antique. La représentation qu'en a donnée le Théâtre du Parc, d'après les indications minutieuses de l'auteur, a mis en évidence ce déséquilibre : on voyait agir, on entendait chanter dans le milieu le plus réaliste et le moins entaché le lyrisme, trois ravissantes vierges qui semblaient descendues d'un merveilleux tableau du préraphaélite Burne Jones. Les Sept Princesses ont réalisé une unité plus parfaite. C'est la mise en scène adéquate d'une splendide composition qu'eût pu faire l'illustre peintre anglais. Ici, plus d'écart, plus de déséqui libre : l'impression est complète. Pourtant, des trois admirables tableaux parlants créés par M. Maeterlinck, nous préférons celui qui est intitulé Les Aveugles : c'est à nos yeux le plus original et le plus puissant. Quelque difficulté qu'il y ait à mettre à la scène des pièces de ce genre, qu'il faudrait jouer dans de petites salles, devant un public restreint et recueilli, en en