Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/276

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—268— C'est toujours Willem et, avec lui, Luttérath qui l'emporte. En butte à tous les stratagèmes et à toutes les recettes du Borgne, Willem n'a pas encore lâché le précieux enjeu de la partie. L'état dans lequel les barbares ont mis le noble garçon publie son héroïsme : les vêtements boueux s'effilochent autour de son corps, le sang lui coule du nez et de la bouche ; il semble sortir d'un coupe-gorge. Le pis c'est que les assaillants redoublent d'acharnement et que le pauvre Willem se sent à bout de forces. Une expression de suprême détresse à laquelle Isa ne pourrait se méprendre un instant envahit son visage qui change continuellement de couleur. Un sourire atroce contracte ses lèvres. Les yeux des amants se sont rencontrés et la jeune fille a compris que tout est perdu. Jamais il n'aura la force de soulever le pain de victoire au-dessus de sa tête. D'une seconde à l'autre ses doigts le laisseront choir, mais à cette seconde-là, le sublime enfant laissera aussi s'échapper son âme. Et, en cette extrémité, il n'attendait plus que ce regard d'adieu de la bien-aimée, ce regard qui lui dit qu'il a fait son devoir jusqu'au bout, que malgré la malchance il était vraiment le plus digne de son amour. Isa se tourne vers baes Borlinck : — Mon père, pour l'amour de moi, crie à Willem que tu lui accordes ma main. N'a-t-il pas fait largement ses preuves? N'exige pas plus de lui. Voilà près d'une heure qu'il tient tête à tous ces sauvages ! En connais-tu bien d'autres qui aient jamais résisté comme lui ! Il ne leur reste plus qu'à le massacrer. Est-ce cela que tu veux?... Père, tu m'entends, je te dis qu'il va mourir !... Borlinck, appâté par cette lutte, tout entier à l'ivresse de cette tuerie, rabroue l'importune qui trouble sa cruelle extase : — Je n'ai qu'une parole : la couronne ou pas de mariage ! — Mais il a pris cette parole trop au sérieux, mon père ; il ne sait pas que tu plaisantais et il se fera tuer plutôt que de lâcher cette maudite croûte de pain ! — Tant pis pour Iuiîjll en naîtra d'autres qui le vaudront bien! — Grâce, mon père ! Faisjgrâce à mon Willem, je ne lui survivrai pas, je telejure! Elle se traîne à présent aux'genoux du4spectateur féroce, elle lui couvre les mains de ses larmes. — La couronne ou pas de mariage ! grommelle le bourru, sans la regar der, sansfdétourner les'Jyeuxide la place, se repaissant des dernières phases de ce drame.