Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/28

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—2o— L'ÉTAPE Arrête-toi, Ecoute-moi, mon frère qui passes; Tais-toi : Je sais notre âme tendre et lasse, Que tu marchais sans regarder, ni voir, Vers quelque espoir Ancien et cher — ou jeune, à peine aimé (Comme un rire entrevu qu'on suit, moqueur, Ou comme un lent regard perdu qu'on va cherchant Marchant, Toujours marchant — d'octobre en mai); Je sais ton cœur, mon cœur. Vois; pense avec mes paroles choisies; Malgré le lourd flux de ton sang Qui bat ta tempe, flots sur flots. Rêve en mes paroles choisies : Avec ton gai sifflet par les genêts Et tout le blond soleil éblouissant (Si bien que tu marchais les yeux mi-clos Sur la route qui te menait) Tu n'étais joyeux que de cet espoir? C'est d'elle? avec son baiser à cueillir? Je sais ton cœur — on n'est pas gai à moins ; Vers son baiser qui sait vieillir Marche ivre, donc, au long des jeunes foins : On n'est pas ivre à moins. Si ce n'est elle — assieds-toi ; tu es triste; Hors celle-là, il n'est pas d'autres joies; La vie est grave et la mort est sinistre; Avec son envergure au vol démesuré Son ombre sur la vie est d'un oiseau de proie.