Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/280

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—272— — Un étranger ! Moi ! Quelle dérision ! Vous voyez bien que je suis de Luttérath? Est-il encore quelqu'un qui songe à nous contester la victoire? Alm Vogelsang! Alrn Vogelsang! se récrie l'assistance à la fois émer veillée et stupéfaite. — O, mon pauvre Alm, qu'as-tu fait ! Les deux frères se tiennent étroitement embrassés et, pantelants, poitrine contre poitrine, désormais inséparables, ils oublient l'univers et tout ce qui n'est pas eux et, en attendant de mourir ensemble, donnent longuement carrière à leur accablante effusion. Les spectateurs se renferment dans un silence funèbre à l'idée du supplice qui guette le contumax. Mais tout à coup l'unanime commisération cesse de crisper cette légion de cœurs. En la foule équitable s'est manifestée cette seconde vue qui fait parfois de la conscience populaire le miroir de la volonté divine. Du fond de l'abîme de détresse où elle agonisait, Isa même s'est sentie renaître. Tous acquièrent la certitude que le prince accordera une entière amnistie à l'aîné des Vogelsang. Son dévouement fraternel le rend inviolable. Une immense acclamation salue les deux frères comme une prophétie de félicité. Et c'est deux rois que Luttérath a couronnés ce jour-là. Georçes Eekhoud L'APOTRE w J'ai pleuré sur tous ceux dont l'âme inassouvie A vainement cherché le charme des yeux chers, Sur ceux qui, de regrets, se meurtrissent les chairs, Et s'en vont maudissant le néant de la Vie! Sur tous ceux dont l'esprit avide est torturé Par les espoirs décus, la rancune ou le doute, Sur tous ceux dont le cœur, le long de l'âpre route, Goutte à goutte a saigné son rêve — j'ai pleuré! (i) Fragment d'un poème en préparation.