Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/281

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—273— Parmi les vastes champs que creusettt avec peine, O Seigneur Tout Puissant, les rustres obstinés, Jai vu, comme une plante aux sucs empoisonnés, Fleurir la rouge fleur de la misère humaine. Autant que je l'ai pu, j'ai secouru le deuil; A bien des vaincus j 'ai porté le viatique Et les yeux consolés de mon geste mystique Ont été, bien longtemps, mon triste et simple orgueil. Pour conjurer, Seigneur, les trop justes colères Dont vous nous accable\ pour les péchés commis, J'ai tendu vers le Ciel mes bras appesantis Et je vous ai prié pour les hommes, mes frères. Voici les affligés que ma main consola. C'est elle qui ferma ces blessures anciennes, Voici les fronts baisés par mes lèvres chrétiennes, Les âmes que j'ai pu relever, les voilà! Maintenant j'ai servi vos desseins sur la terre, J'ai, sans me plaindre encor, fait votre volonté, Mais, Seigneur, dites-moi, vous la Toute-Bonté, Ne suisje pas au bout de mon morne Calvaire? Je suis las du chemin et j'ai bien mérité, Ayant ainsi souffert par les péchés des autres, Que dans mon cœur, gonflé dès larmes des apôtres, Meure enfin la cruelle et douce Charité! Envoye\-moi, Seigneur, le repos que j'implore, L'oubli qui calmera mon sang régénéré; Faites que me devienne à jamais ignore Le grand cri de pitié qui dans mon cœur s'éplore. Détourne\ loin de moi tout ce qui fut amer; Apprene\-moi la paix que sait l'âme ingénue Et que neige sur moi la douceur inconnue Des soirs de mai, des clairs matins, des nuits d'hiver! George Garnir