Page:La Jeune Belgique, t11, 1892.djvu/302

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— 294 Si vous êtes malins et que vous connaissez bien votre affaire, vous pouvez de la sorte entortiller beaucoup de gens du bon Dieu ; ensuite, commencez à désembrouiller. Cela va sans dire, tous ces racontars n'ont ni queue ni tête et la chose se terminera comme étant nulle et non avenue, mais vous, vous avez fait votre affaire, car vous avez innocenté le bon petit paysan en recevant le prix de sa gratitude et vous avez confondu le malfaiteur tout à la fois. Nous avions encore une autre manière : Il arrive parfois que ru com mences une affaire, par exemple, concernant le vol d'un cheval ; tu dépouilles le coquin attrapé et puis tu lui donnes la clef des champs. Voilà qu'un mois après il est pincé de nouveau, tu le dépouilles et. de nouveau tu le laisses courir. Et tu agis, mon Seigneur, avec lui de la sorte jusqu'à ce que sur le chérubin il ne reste seulement, pour parler ainsi, que du duvet de gre nouille. — Eh bien, alors, assez plaisanté comme ça, mon cher, marche au cachot, et cette fois c'est pour de bon. Vous direz : Il est vilain de couvrir ainsi un malfaiteur, et moi je vous soutiens que cela ne s'appelle pas couvrir le coupable, mais profiter des cir constances de l'affaire. Ne savons-nous pas qu'il ne peut échapper à nos griffes; alors, pourquoi ne pas lui donner cette petite fiche de consolation! Vivait chez nous, dans le district, un négociant, un millionnaire; il avait une fabrique de tissus de coton et faisait de grandes affaires. Eh bien, fais ce que tu veux ! point de profit de lui pour nous ! Il avait tellement l'œil ouvert, que vas te faire pendre. Si ce n'est que de temps en temps il nous offrait du thé ou débouchait une bouteille de Champagne pour trinquer avec nous autres ; mais voilà tout le gain. Nous méditions sans cesse com ment traquer cette canaille de négociant dans une bonne affaire. Fais ce que tu veux, il n'y mordait pas; c'était enrageant ! Mais lui, le négociant, voit tout cela, il n'en rit pas précisément, mais il affecte un calme insul tant comme s'il ne se doutait de rien. Qu'en pensez-vous? Cependant, nous roulons un jour en voiture avec Ivan Petrowitch pour aller instruire une affaire : on avait trouvé un cadavre non loin de la fabrique. Nous passons ainsi à côté de la fabrique et causons entre nous de cette canaille de fabricant, qui ne prétend donner dans aucun panneau. Mais je remarque que mon Ivan Petrowitch devient tout à coup son geur, et, comme j'eus une grande foi en lui, je me dis à part moi : Il ima ginera quelque farce, vraiment il l'imaginera ! Eh bien, il l'imagina ! Le lendemain nous étions assis, le matin, en prenant un petit verre pour nous remettre de la buverie de la veille. — Allons, dit-il, me donneras-tu la moitié si le négociant te baille deux mille? — Hé, quoi! Ivan Petrowitch, tu perds la tête, deux mille! — Tu le verras bien ; assieds-toi et écris : Avis. Au négociant de première guilde, Platon Stepanowitch Troye- korow. Vu la déposition des villageois, tel et tels (flanques-en le plus grand